Introduction

De février à avril 2018, nous avons effectué deux études de chaînes de valeur et filières alimentaires, dans des contextes et pour des objectifs très différents :

  • Une étude sur les filières maraichères à l’Est du Tchad pour Care International
  • Une étude de la filière soja biologique au Togo pour GIZ (coopération allemande)

Ces deux études de nature très différentes ont été menées par Pierre Johnson dans le cadre de la coopérative Tero « des professionnels pour les territoires ruraux ». Nous présentons ici la première de ces études.

Tchad : des groupements maraichers dynamiques dans des conditions précaires

L’enjeu de cette étude était d’analyser les filières de produits maraichers de saison sèche à l’Est du Tchad et d’identifier pour celles-ci les opportunités d’améliorer la création et la distribution de valeur. En effet, dans les deux départements où s’effectuait l’étude, ayant pour capitales Abéché et Biltine, les niveaux d’insécurité alimentaire sont préoccupants (15 et 50% respectivement). De plus, le changement climatique se fait sentir, et il est nécessaire de prévoir l’adaptation de ces cultures à ce dérèglement.

Zone d’étude au Tchad (en rouge)

Cette étude s’inscrivait dans le cadre du projet « Résilience et Adaptation aux Variabilités Climatiques, pour une Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle Durable au Tchad, Région de Wadi Fira, Guéra et Ouadaï », financé par l’Union Européenne pour une durée de 30 mois, et mis en œuvre par les ONG Care International et Oxfam.Notre interlocuteur était Care International. Elle a été réalisé par une équipe de deux consultants, Pierre Johnson (international) et Ezechiel Dingamadji (Tchad).

Groupement dans la région du Wadi Fira

Quelques enjeux révélés par l’étude

  • Une liste de 22 produits maraichers de production et commercialisation courante a été établie.
  • Une cartographie des acteurs de la chaîne de valeur montrant qu’il s’agit de filières très courtes, où interviennent essentiellement les producteurs (en majorité des femmes), des commerçants grossistes et semi-grossistes (des hommes) et des commerçantes.
  • La transformation des produits est marginale et mal conduite. Or elle permet pour certains produits une meilleure conservation.Pour augmenter la durée de conservation de certains produits, les productrices font sécher tomates, gombos et piments, mais les techniques pour ce faire sont souvent rudimentaires et inadéquates.
  • La conservation des produits de garde (pomme de terre, ail, oignon) est principalement réalisée par des grossistes et semi-grossistes, sans transformation supplémentaire.
  • La production et la multiplication des semences est un enjeu économique et de sécurité alimentaire important dans ces deux régions. De nombreuses semences sont importées du Soudan, et les populations locales ont encore peu de savoir-faire pour les produire elles-mêmes.

Produits secs sur le marché de Biltine

Les principales orientations recommandées

Développement d’une orientation marché
Les structures d’appui (ONG, coopération internationale, services techniques de l’État) devraient appuyer les producteurs vers l’autonomie dans la production, la transformation et la conservation de leur production : notions de qualité, introduction d’itinéraires techniques précis. En effet, si les demandes des groupements et les actions des ONG sont souvent centrées sur les équipements (principalement pour l’irrigation), les producteurs ont avant tout besoin de recevoir une meilleure orientation de leurs actions vers la demande et les marchés, et d’améliorer leurs techniques de production, d’irrigation et de transformation post-récolte en conséquence.

Appuyer l’économie locale et créer des emplois pour les jeunes
La vision proposée est celle d’une économie maraichère favorisant l’emploi et le revenu non seulement des femmes mais aussi des hommes et particulièrement des jeunes, par les services autour de cette production. En effet, il existe une force de travail et d’intelligence locale sous-employée, qui peut aider au développement de l’économie locale.

Des actions prenant en compte les spécificités de chaque zone de production
Les principales zones de production visitées ont des caractéristiques différentes : sols, disponibilité en eau, distance des marchés régionaux. En fonction de ces données géographiques et humaines, des actions précises ont été suggérées et des filières porteuses différentes identifiées grâce aux données de l’étude de marché et à la grille de décision multi-critères que nous avions mise au point.

Femme produisant des semences dans un groupement

Conclusion

L’étude de Transition & Coopération sur les chaînes de valeur maraichères à l’Est du Tchad a permis d’identifier le potentiel de ces filières pour répondre aux besoins de développement économique local, de sécurité alimentaire et d’anticipation et adaptation au changement climatique, et de proposer des actions précises en orientant la production et la commercialisation sur les besoins des marchés locaux.

Même dans le contexte précaire de la société sahélienne de l’Est du Tchad, les possibilités de renforcement de ces filières, par l’amélioration de la production, de la transformation et des relations commerciales, l’optimisation de la production et la compréhension du fonctionnement des marchés locaux, sont tangibles. C’est une conclusion encourageante, même si l’on souhaiterait que les efforts soient mieux répartis entre hommes et femmes.

Pour aller plus loin

Les fondements méthodologiques de l’étude

La méthodologie que nous avons mise en œuvre pour cette étude reposait sur les étapes suivantes :

  1. Recherche documentaire. Dans ce cas précis, les données disponibles étaient des statistiques très générales, et leur pertinence pour l’étude très réduite.
  2. Mise en place d’un dispositif d’enquête. 1ère liste d’acteurs économiques de la chaîne de valeur.
  3. Enquête de terrain, quantitative et qualitative : producteurs, commerçants et consommateurs, avec l’appui d’une équipe d’enquêteurs sur les marchés.
  4. Dépouillement et analyse des données de l’enquête quantitative (valeur ajoutée des acteurs par produit) et
    Analyse qualitative, sur la base de l’enquête qualitative
  5. Élaboration de recommandations pour les acteurs et le donneur d’ordre. Choix des filières à appuyer (demande de l’ONG) basé sur l’analyse de la valeur ajoutée des différents produits et d’une grille d’analyse multi-critères.

Consultants et enquêteurs Care International

L’échantillon de l’étude
  • 17 groupements de producteurs (10 à 15 producteurs par groupement) ont été rencontrés, sur 50 appuyés par l’ONG.
  • 2 focus groupes consommateurs (hommes et femmes, réunissant chacun 10 personnes)
  • 152 acteurs de la commercialisation ont été interrogés sur les marchés, pour l’enquête quantitative.

Certains groupements prévus n’ont pas pu être visités à cause des conditions de sécurité prévalent dans une zone précise.

 

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