Le site et le projet

Un projet de permaculture commence toujours par l’envie d’une personne ou d’un groupe. Nous avons rencontré Ese, porteuse du projet à l’été 2015. Intéressée par l’approche permaculture, elle nous fait part de son désir d’appliquer cette démarche à une nouvelle conception du domaine qu’elle gère pour sa famille à Chalo-Saint-Mars, un charmant village au patrimoine protégé de 1165 habitants du Sud de l’Essonne, à quelques kilomètres de la ville d’Étampes. La Chalouette, une charmante petite rivière affluent de la Juine, qui se jette elle même dans l’Essonne, affluent de la Seine longe le domaine, alimentant sa partie forestière tel un oasis, avant de déboucher sur la plaine de la Beauce, immense « désert vert » au Sud de la région Île-de-France.

Aujourd’hui, Ese aimerait concevoir le domaine Saint-Mars (3 hectares et demi) comme un lieu de reconnection (à soi et à l’environnement), de ressourcement et de vivre ensemble. Le domaine accueille déjà depuis 10 ans des personnes en gîte dans sa partie bâtie, ainsi que de nombreux groupes, attirés par l’énergie qui se dégage du lieu, pour leurs pratiques spirituelles et physiques dans la partie boisée et les parties communes. L’introduction d’une démarche de permaculture permettra de mettre en valeur le potentiel du lieu dans son intégralité, d’inscrire ses composantes dans une cohérence dictées par les ressources et les contraintes du milieu (forêt, eau, patrimoine historique). Ainsi, les habitants et visiteurs partageant ces objectifs et ces valeurs pourront expérimenter un autre rapport à soi, à l’alimentation et aux écosystèmes. Un maraîcher permaculteur pourra aider au développement des activités agricoles.

La démarche permaculturelle

La démarche de permaculture commence par l’étude et l’observation du site, l’inventaire de la biodiversité, du milieu naturel et humain dans lequel ce site s’inscrit.

Un « inventaire éclair » de la biodiversité de Chalo-Saint-Mars était disponible, mais le parcours des 3 hectares du parc nous a permis de recueillir des informations complémentaires précieuses sur le site naturel. La présence de l’eau et de la forêt y est de toute évidence fondamentale. La Chalouette et une déviation de celle-ci entoure le parc boisé. L’analyse simple des sols fait apparaître une terre limoneuse plus ou moins sableuse et argileuse selon les zones de collecte (A,B,C ci-dessous), avec un pH équilibré. De nombreux pins, marronniers, tilleuls, saules, peupliers, magnolias, d’autres plantes (parmi lesquels on note des fruits de ronces, groseilles, mûres, cassis, bambous) et des champignons figurent en abondance. Les espèces animales terrestres et aquatiques restent à inventorier, mais on note la présence de batraciens, de lézards, de taupes. Une biche a élu domicile dans le parc, gage de son caractère riche et complet. Un ancien verger de pommiers installé dans une clairière borde la limite extérieure du parc.

Le bâti consiste en un ancien relais de poste du village de 500 m2 environ, divisés en 3 ou 4 logements mitoyens de 2 étages chacun. Sur le plan historique et urbanistique, le Plan Local d’Urbanisme de 2012 met en évidence le zonage et les règles qui s’y appliquent. Si les espaces bâtis sont en zone urbaine, le parc est situé en zone naturelle protégée. Il est intéressant de constater que les limites des clairières et arbres protégés ne correspondent pas à ce qui existe sur le terrain, des échanges ayant été décidés avec l’Office National des Forêts depuis cette date. L’analyse des bordures ou limites du site fait apparaître l’importance de cet environnement institutionnel, du fait des limites imposées aux perspectives de travaux sur le bâti ou de construction légère dans le parc (ci-dessous une chapelle néo-gothique de la fin du XIXe siècle, classée au monuments historiques, vue depuis la propriété). Cet environnement humain apporte aussi des avantages en termes d’attractivité du village et de proximité d’Étampes et partant de la capitale. A quelques kilomètres de la gare, le village peut aisément être rallié en vélo, par des routes secondaires et une piste cyclable. Indéniablement, le domaine possède un grand potentiel et une attractivité certaine.

L’inventaire des ressources comprend non seulement les ressources naturelles, mais aussi les ressources matérielles, humaines et financières, à analyser en relation avec les besoins identifiés. Ces besoins couvrent le logement et l’alimentation des des visiteurs, pendant les saisons où ceux-ci sont envisageables. Différents types d’habitat léger temporaire sont imaginés, dont la réalisation dépendrait de l’interprétation du règlement du patrimoine. Une bonne partie des ressources financières devant être consacrées à la restauration du bâti pour la location de trois des quatre appartements, celles qui seraient consacrées au parc et à son évolution s’en trouvent ainsi limitées. Une programmation par étape de réalisation, l’utilisation des ressources locales (récupération de matériaux, coups de main de voisins) permettrait de palier à cette insuffisance de ressources.

La conception d’un projet

En permaculture, la notion de design, ou de conception, permet de mettre en évidence les différentes possibilités d’agencement du site, d’expression de son potentiel en fonction des objectifs des porteurs de projet. Celui-ci se traduit principalement (mais pas uniquement) par un plan du site, tel qu’on l’imagine après réalisation, en fonction des ressources présentes, de l’exposition aux éléments et au cycle du vivant (températures, exposition, cours d’eau, vents, etc.). Les principes du zonage et de sectorisation permettent de définir différents espaces avec des vocations adaptées, en zones plus ou moins concentrique du lieu de vie. Appliqué au Domaine Saint-Mars, le plan donne les zones suivantes, dont certaines sont doubles voire triples (comme les zones 2 et 4) :

  1. L’espace de vie (zone 0) et son jardin (zone 1)
  2. La zone de production alimentaire : potager en carré et en bordure de chemin, zones de maraîchage et de petit élevage (canards et volaille)
  3. Verger en permaculture, suivant les principes de la forêt nourricière
  4. Espaces boisés en gestion forestière
  5. Espace boisés en gestion minimale, respectant la vie sauvage

 

De la conception à la mise en œuvre

La mise en œuvre du projet suppose que soient vérifiées certaines hypothèses, notamment :

  • Une vision partagée par les porteurs de projet et les propriétaires du lieu (la famille de Ese)
  • La mise à disposition d’un minimum de ressources pour la transformation progressive du lieu. Les ressources en temps s’avèrent essentielles, souvent plus que les ressources matérielles et financières.
  • Une gouvernance adaptée à l’identité du projet.

Un projet de réalisation en permaculture demande l’implication du ou des porteurs de projet sur le temps long, et l’appropriation progressive des principes qui fondent la permaculture. C’est pourquoi un accompagnement peut être utile nous seulement dans la phase de conception, mais aussi dans celles de mise en œuvre et de maintenance. L’objectif est d’accompagner peu à peu les porteurs de projet dans l’autonomie de la gestion de leur site en permaculture.

Dans le cas du Domaine Saint-Mars, les échanges avec les porteurs de projet a révélé des différences de perception parmi les porteurs de projet et propriétaires du lieu, membres d’une même famille. La phase de conception s’est donc révélée plus complexe qu’envisagée. Il a en effet fallu adapter les moyens disponibles aux attentes parfois un peu divergentes des membres de la famille. Par exemple, la rénovation de la toiture et des aménagements intérieurs étaient nécessaires pour pouvoir louer la partie bâtie, ce qui a absorbé une grande partie des ressources financières disponibles. Ces travaux n’étaient sans doute pas essentiels au projet permaculturel. Il a également été proposé de redéfinir certains rapports d’échange avec les voisins : propriétaires de cheveux qui empruntaient le domaine pour faire brouter ceux-ci, un autre voisin s’est révélé une ressource précieuse par son savoir-faire pratique.   

Une fois le design stabilisé, certaines difficultés se sont exprimées pendant la phase d’installation. Le métier de la porteuse de projet s’est révélé difficilement compatible avec une avancée rapide du projet vers l’autonomie. Actrice, celle-ci doit effectuer de longs et lointains déplacement avec sa troupe. Pour la raison évoquée, il n’y avait pas ou plus de ressources financières pour déléguer la réalisation de certaines tâches sur le domaine. De toute façon déléguer ces tâches aurait limité l’appropriation du projet par sa porteuse.

Les premières réalisations ont donc été modestes. Un jardin mandala a été créé dans une zone éclaircie de la forêt, grâce à la participation d’un groupe d’amis. Cependant, l’installation des plants a souffert de l’absence des propriétaires pendant la période de croissance, beaucoup ayant été mangé par les animaux. Finalement, la zone de maraîchage a été installée le long d’un des murs du jardin de la maison, une zone productive et surtout proche des habitants. Du bambou est collecté comme matériaux de construction, le lavoir devrait être prochainement aménagé en bassin… Les différentes zones ont aussi été définies selon l’implication des membres du groupe. Ainsi un membre de la famille est préoccupé par la rénovation du verger (zone 3 au Sud), une autre par l’aménagement du bassin. La porteuse de projet commence à projeter la transformation de l’ancienne piscine en piscine naturelle, etc.

Conclusion

Né d’une intuition et d’une rencontre, le projet permaculturel du Domaine Saint-Mars est aux premiers pas de sa réalisation, après un travail de diagnostic, d’inventaire des ressources, de visualisation des possibilités et de conception ouverte.  Le potentiel du domaine, à moins d’une heure de Paris, apparait avec évidence après ces premières étapes. La mise en œuvre du projet demande de l’énergie et de l’implication des porteurs de projet. Elle a été ralenti par la difficulté à rendre disponibles les moyens et le temps nécessaire à sa réalisation.

Mais une fois les priorités de la famille réalisées, c’est-à-dire concrètement le travail de gros-œuvre sur le bâti terminé, ses membres s’impliquent peu à peu dans la transformation du site, en gardant comme ligne directrice le diagnostic effectué et les possibilités ouvertes par le travail de conception.

Après la phase de mise en œuvre viendra la phase de maintenance, tout au long de la vie du projet. Celle-ci implique des adaptations et une progression continue. Elle suppose d’être dans une attitude d’observation en même temps que d’action, pour recevoir les informations permettant la rétroaction et l’adaptation du projet à la réalité de la dynamique des différents éléments – naturels, sociaux, institutionnels – qui constituent le domaine Saint-Mars.

Nous vous tiendrons informés des prochains développements.

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