Introduction à la notion de biodiversité et de partage équitable de ses ressources

Biodiversité tropicale

Biodiversité tropicale

 

 

 

 

 

 

Les scientifiques, comme les entreprises pharmaceutiques, cosmétiques et certaines entreprises agro-alimentaires, mais aussi les peuples traditionnels, savent que la diversité biologique est une source de richesses extraordinaire pour les sociétés humaines. Selon certains scientifiques, jusqu’à 94% des médicaments les plus vendus ont un principe actif qui trouve son origine dans le milieu naturel, généralement une plante, dont l’usage est connu depuis longtemps, ou bien a été identifié par l’industrie. Mais cette diversité biologique – celle des écosystèmes, des espèces et des gènes – est particulièrement importante dans les pays tropicaux, comme le montre la carte ci-dessous :

Or les peuples dits autochtones, ceux dont le mode de vie dépend étroitement depuis des siècles d’un équilibre subtil avec leur milieu naturel, ont développé une connaissance pratique approfondie de la diversité biologique, ou biodiversité et de ses usages pour l’être humain (alimentation, thérapeutique, cosmétique). Cette connaissance, transmise et enrichie oralement de génération en génération, a une valeur incommensurable, mais bien réelle lorsqu’elle est transférée sur le marché, lors du développement de certains produits pharmaceutiques ou cosmétiques.

Ce transfert peut être souhaité et contrôlé par la communauté qui détient cette connaissance, ou bien elle peut être subie et opérée dans des conditions illégales ou illégitimes. Dans ce dernier cas, les communautés indigènes et certaines ONG parlent de biopiraterie, qui est une forme d' »appropriation et exploitation commerciale, dans des conditions jugées illégales ou inéquitables, de ressources biologiques ou génétiques propres à certaines régions ».

On peut distinguer trois formes de biopiraterie : celle qui vise l’exploitation de la ressource elle-même, comme dans le cas de l’appropriation du nom « riz basmati » par une entreprise américaine dans les années 1990, celle qui s’opère sur l’héritage et la propriété intellectuels et culturels d’un peuple sur ses ressources, dont les nombreux cas sont développés ci-dessous, et la piraterie économique, qui désigne la manque à gagner des peuples et communautés se voyant spoliés des opportunités de valoriser eux-mêmes leurs ressources et les connaissances associées. Les cas de biopiraterie se sont malheureusement multipliés après que fut octroyé pour la première fois dans les années 1980 un brevet sur une espèce vivante (un micro-organisme) aux Etats-Unis.

Parmi les cas emblématiques figurent le neem, une huile extraite d’un arbre, le margousier, dont l’usage comme pesticide naturel est connu depuis des siècles en Inde, et avéré dans des textes anciens et modernes. Malgré cette antériorité avérée localement, une entreprise américaine avait déposé dans les années 1990 plus de 80 brevets sur l’usage de cette plante comme biopesticide. Il a fallu dix ans de lutte d’organisations de la société civile d’Inde et d’Europe pour que ces brevets soient retirés. Plus récemment, des plantes d’Afrique australe, le Hoodia, une plante coupe-faim, et le Pelargonium du Cap, ont fait l’objet de dépôts de brevets abusifs, eux aussi finalement abrogés. L’Amérique latine n’est pas en reste, avec l’ayahuasca, une plante sacrée d’Amazonie, le sacha inchi, utilisé pour des peuples du Pérou, et plus récemment encore la maca, fortifiant sexuel connaissant un boom extraordinaire sur certains marchés.

Sur le plan légal, la Convention sur la Diversité Biologique (1993) fait de la valorisation de la biodiversité un moyen de sa préservation. Deux de ses principes fondamentaux sont conçus pour équilibrer les intérêts des entreprises avec ceux des « communautés autochtones et locales ». Il s’agit du consentement préalable en connaissance de cause (CPCC) pour l’accès aux ressources génétiques, et le partage des avantages (APA) découlant de leur exploitation raisonnée. La mise en pratique de ces principes s’est avérée assez complexe et progressive, la dernière conférence des parties à Nagoya (2010) ouvrant la voie à un régime international pour l’APA. Les Etats nationaux sont responsables pour la traduction des principes de la CDB dans leurs législations nationales.

La question des brevets sur le vivant est au coeur d’interprétations divergentes de la CDB et des pratiques s’en réclamant. Une partie des acteurs économiques voient dans les brevets un mode de création de valeur, pouvant être partagé ensuite par des accords APA. D’autres considèrent que les conditions d’inventivité requises par le droit des brevets sont peu souvent remplies dans le cas des produits naturels dont l’usage est connu depuis des siècles. Dans ce cas, la recherche et développement des entreprises ne ferait que confirmer modestement les résultats obtenus par les cultures autochtones. Seul un respect strict des conditions de consentement préalable en connaissance de cause et du partage des avantages permet d’envisager des relations commerciales avec les producteurs et les communautés ayant développé un rapport d’équilibre avec la biodiversité locale et des connaissances ayant des applications utiles.

A suivre la semaine prochaine : les bonnes pratiques en matière de partage des avantages relatifs à la valorisation de la biodiversité.

Nous avons réalisé deux interviews sur le sujet :

L’une sur Aligre FM, à l’émission « Voix contre oreille » le 6 octobre 2010 (60 minutes) : Ecouter ici.

L’autre le 20 mars avec le Pasteur B. Stehr, sur Fréquence Protestante (30 minutes). Ecouter ici.

Pour l’une et l’autre interview, une nouvelle fenêtre s’ouvrira dans votre navigateur, que vous pourrez fermer après avoir écouté l’interview.

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