Une étude commanditée par la Plate-Forme pour le Commerce Équitable (association regroupant les principales organisations françaises de commerce équitable, interlocutrice des pouvoirs publics), et réalisée par l’organisation de solidarité internationale Agronomes et Vétérinaires sans Frontières sur l’intégration de l’agriculture sous contrat dans le commerce équitable depuis 2005 et 2006, récemment diffusée, recommande la plus grande prudence dans le déploiement de cette nouvelle modalité de relations de commerce équitable, lancée par Fairtrade International et Ecocert.

L’agriculture sous contrat et son inclusion dans le commerce équitable

L’agriculture sous contrat (en anglais : contract farming) est une modalité de relation commerciale en pleine expansion dans les pays du Sud. Elle repose sur une relation contractuelle entre des agriculteurs et un acheteur qui s’engage à acheter la production agricole une fois produite, à un prix déterminée. Dans le contexte du commerce équitable, elle se différencie de l’organisation autonome des producteurs agricoles en coopératives ou groupements d’intérêt économique, encouragée par le mouvement du commerce équitable, dans lesquels les producteurs sont autonomes, et les groupes de producteurs ont souvent des contrats avec différents acheteurs. Le commerce équitable encourage d’ailleurs cette diversité de débouchés, même si elle ne s’observe pas toujours dans la pratique. Dans les pays du Sud, l’agriculture sous contrat compte avec l’appui d’acteurs publics et privés, qui mettent en avant divers avantages pour les producteurs et les acheteurs impliqués. Mais cette modalité implique également des risques, pour les producteurs principalement.

L’agriculture sous contrat a été intégrée au sein du commerce équitable par Fairtrade International (anciennement FLO) en 2005, avec la définition d’un référentiel spécifique, puis par Ecocert dans son référentiel générique Equitable, Solidaire et Responsable (ESR), en 2006. Elle est présentée par ces systèmes de garantie du commerce équitable comme une opportunité d’insertion au marché dans des conditions favorables pour des producteurs non-organisés, se trouvant dans des situations de marginalisation et d’isolement. Cette modalité constitue selon eux un moyen de ne pas limiter l’accès au commerce équitable et à l’impact positif qu’il génère aux seules organisations de producteurs déjà constituées, mais d’insérer de nouveaux producteurs, tout en répondant à la demande et à la croissance du marché. Elle doit contribuer parallèlement à renforcer la structuration de ces producteurs et faire émerger au fil du temps des organisations de producteurs de façon progressive. Les organismes de labellisation du commerce équitable concernés soulignent que les standards Fairtrade et ESR, à la différence de contrats de production classiques, stipulent notamment l’obligation pour l’opérateur en partenariat commercial avec les producteurs, d’appuyer la structuration et la consolidation de leur organisation.

 

Une modalité qui rompt avec le mode opératoire habituel du commerce équitable

Historiquement, le commerce équitable s’est développé pour permettre la consolidation d’organisations de producteurs du Sud fortes et autonomes via leur accès aux marchés internationaux à des conditions favorables. Le premier label de commerce équitable, Max Havelaar Hollande, a été créé pour garantir un prix minimum aux organisations de producteurs de café du Mexique. Ce système s’est ensuite répondu dans une vingtaine de pays acheteurs, dont les organisations de labellisation se sont regroupés en 1997 dans la fédération Fairtrade Labelling Organizations International (FLO).

L’inclusion de l’agriculture sous contrat dans le commerce équitable, qui met en relation un acheteur avec des producteurs individuels, est vue par certains acteurs impliqués dans le commerce équitable comme une rupture avec le mode opératoire traditionnel du commerce équitable. Des questionnements importants sont ainsi soulevés par ces acteurs concernant cette nouvelle modalité au sein du commerce équitable, sa cohérence avec les principes fondamentaux du mouvement, ses implications pour les producteurs concernés, les organisations de producteurs et le commerce équitable dans son ensemble, ainsi que la capacité des opérateurs à contrats de production à effectivement relever le défi de la structuration et de la consolidation des organisations de producteurs.

La méthodologie retenue par l’étude est basée sur des revues documentaires, trois études de cas avec des missions de terrain réalisées en avril et mai 2012, ainsi que des éléments ponctuels issus d’une autre expérience d’agriculture sous contrat sans mission de terrain. Les trois cas étudiés sont : COFA sur la filière coton et SUNSTAR sur la filière riz basmati en Inde (certification Fairtrade), et BIO PLANETE / BURKINATURE sur la filière sésame au Burkina Faso (certification ESR).

 

Des résultats mitigés et la prudence recommandée dans l’usage de l’agriculture sous contrat dans le cadre du commerce équitable

Les trois études de cas ont permis d’observer divers effets de l’agriculture sous contrat dans le cadre du commerce équitable, notamment sur le développement des filières. Les résultats sur le renforcement organisationnel sont mitigés. Un processus de consolidation réelle a été observé dans le cas où la structure intermédiaire qui a accompagné les producteurs est une ONG (cas de COFA), mais le processus organisationnel s’est révélé très partiel et fragile dans les deux autres cas étudiés où la structure intermédiaire est une entreprise commerciale.

Les recommandations de l’étude quant à l’intégration de l’agriculture sous contrat dans le commerce équitable sont assez critiques. Les auteurs recommandent de reprendre la réflexion à ce niveau, y compris en ce qui concerne les filières déjà certifiées sous cette modalité. Ils recommandent d’incorporer à court terme de nouvelles exigences aux standards existants, d’être prudent sur l’extension de cette modalité, avant d’avoir pu en étudier tous les effets dans des situations particulières, et d’envisager les alternatives à cette forme de relation avec les producteurs.

Un débat devrait avoir lieu entre les membres de la Plate-Forme pour le Commerce Équitable, ainsi que dans le mouvement du commerce équitable sur l’intégration de l’agriculture sous contrat dans le commerce équitable

 

Références

« Agriculture sous contrat et commerce équitable : Identification des freins et leviers pour encourager l’émergence et la consolidation d’organisations de producteurs – Rapport final », Plate-forme pour le Commerce Équitable, Agronomes et Vétérinaires sans Frontières, octobre 2012.

sur le site de la Plate-forme pour le Commerce Équitable

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