Deux années de préparation intenses, deux semaines de négociation, et de mobilisation de la société civile, malgré l’état d’urgence et l’interdiction de manifester.  Les résultats de la conférence Paris Climat sont-ils à la hauteur de la mobilisation des différents acteurs ?

Le verre à moitié plein

verre_moitieL’accord de Paris élaboré le 12 décembre 2015 engage 195 pays et l’Union Européenne à maintenir le réchauffement climatique entre 1,5°C et 2°C d’ici 2100. Toutes les parties convoquées ont signé l’accord, depuis les États les plus pauvres de la planète jusqu’aux pays producteurs de pétrole, en passant par les pays industrialisés, et les pays dits émergents, comme la Chine, dont la croissance des besoins en énergie est colossale. C’est la première fois qu’un accord universel sur le climat est signé. Rappelons que les États-Unis n’avaient pas ratifié le Protocole de Kyoto sur le Changement Climatique, et que le Canada s’était rapidement retiré de cet accord, pour s’engager dans la production du pétrole le plus «sale» qui soit, issu des sables bitumineux de la forêt boréale, bientôt suivi par l’Australie.

Cette fois-ci, l’ensemble des États représentés à l’ONU, la quasi-totalité des États de la planète, ont signé cet accord. C’est un succès de la diplomatie française, a-t-on justement souligné dans la presse. Pour éviter les écueils de négociations précédentes, les États étaient invités à publier leurs engagements avant même le tour final des négociations officielles. Après les pays riches, l’Inde, le Brésil et la Chine s’engageait sur des objectifs chiffrés, qui a limité à terme ses émissions de CO2, qui a réduire «l’intensité carbone» de sa croissance économique. Ces engagements doivent permettre une mise en œuvre plus rapide et plus souple des accord, dès sa ratification, prévue en avril 2016. Ensemble, pourtant, les 188 engagements annoncés dessinent une hausse des températures moyenne sur Terre de 3°C et non des 1,5 à 2°C projetés.

Le verre à moitié vide

verre_moitieMais au final, ce n’est pas tant la faiblesse de certains engagements qui devrait inquiéter les observateurs, mais plutôt les limites du système de gouvernance mondiale de l’environnement et du climat. Rappelons d’abord que cet accord, annoncé comme contraignant ne l’est pas réellement, faute de sanctions pour les États qui ne respecteraient pas leurs engagements. Leur seule obligation réelle est de publier les chiffres de leurs émissions année après année. Aucun mécanisme de sanction n’est prévu pour ceux qui dépasseraient leur engagement.

Rappelons que la gouvernance du commerce mondiale est beaucoup plus contraignante. L’Organisation Mondiale du Commerce a mis en place un Organe de Règlement des Différends qui condamne régulièrement les États contrevenant les accords, sur demande d’autres États, à des amendes se montant en millions de dollars. Les traités de libre-échange transatlantique et transpacifique négociés alors même que l’accord Paris Climat doit être mis en œuvre, accord avec lequel ils pourraient être contradictoires, prévoient des tribunaux arbitraux, qui pourront être saisi par des entreprises contre des États ou des collectivités territoriales, suivant le même principe.

Enfin, rappelons que les engagements de Paris Climat sont comptabilisés à partir de l’année 2020. Or, les scientifiques s’accordent pour dire que les 10 à 15 prochaines années seront décisives pour contrer le dérèglement climatique, et que cette transition prendra du temps, du à l’inertie de notre système industriel et aussi du climat lui-même. Pourquoi perdre encore des années décisives ?

Tout aussi grave, l'»oubli» volontaire de deux dossiers, portés par des organisations de la société civile, notamment :

  • L’abandon de l’hypothèse d’une taxe carbone, qui permettrait de donner une unité de mesure à la transition devant être menée
  • Le silence assourdissant sur la contradiction entre l’abondance des réserves prouvées d’énergies fossiles et celles que la communauté internationale devrait se limiter à extraire pour remplir les engagements des États. L’excédent est d’environ 5 fois la quantité supportable par le système climatique actuel. Dans cette perspective la proposition de «laisser les fossiles dans le sol» pour 80% de leur volume est d’une logique implacable… mais ignorée par les négociateurs.

Alors ?

Faut-il par conséquent clamer que l’accord Paris-Climat est une «arnaque», comme le dit James Hansen*, premier scientifique à avoir attiré l’attention du monde politique sur le réchauffement climatique en 1988 ? Ou bien faut-il affirmer avec John Kerry : «C’est un succès pour tous, pour la planète et les générations futures» ? On pourra toujours lire le texte de l’accord pour se faire une idée plus précise de ce qu’il contient.

Les deux positions évoquées sont également défendables. L’important n’est-il pas de comprendre la portée et les limites des engagements des États dans le cadre de l’accord Paris Climat, et de demander que les engagements soient dès aujourd’hui suivis d’actes ? D’autres engagements seront nécessaires, particulièrement sur les deux points occultés de l’accord (voir ci-dessus). Il reste aujourd’hui à placer cet accord en droit au même niveau, et même au-dessus des droits du commerce, car «il n’y a pas d’économie sur une planète morte» ou même sur une planète hostile à la vie humaine.

 

 

 

 

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